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Récit fictionnel #4

Le retour

Adèle inspira une dernière bouffée de sa cigarette puis, avec un soupir, se dirigea vers la maison. Elle n’aurait jamais pensé se retrouver ici, à nouveau. Mais en tant que fille unique elle avait dû s’occuper des funérailles. Depuis l’annonce de la nouvelle, elle se sentait vidée de toute énergie et, pour éviter de s’effondrer, elle devait se répéter la liste des tâches à faire dès son retour à Londres : « Rappeler Mr Owen, revoir la police des bas de casse, récupérer les impressions… »

Adèle résista à l’envie d’une énième cigarette et se dirigea vers la porte d’entrée. Le gravier crissait sous ses pieds et pour la Londonienne qu’elle était devenue, le bruit des oiseaux et du vent dans les arbres du jardin composait une douce mélodie qu’elle avait oubliée, celle de son enfance. Au moment de tourner la clef dans la serrure, la jeune femme hésita une seconde. Toutes les émotions qu’elle essayait de contenir depuis quelques jours menaçaient de surgir à l’ouverture de cette porte. Elle inspira profondément, tourna la clef, et sans réfléchir entra dans la maison. Il y régnait une atmosphère étrange, un peu figée. Sur la table de la cuisine, un bol et des couverts prenaient la poussière, un livre reposait ouvert sur le couvercle du piano. Tout indiquait que son père avait dû quitter cet endroit en catastrophe et pourtant, Adèle avait l’impression qu’il allait réapparaitre au détour d’une porte et lui sourire tendrement. Soudain une immense tristesse envahit son cœur, elle devait se rappeler que son père était décédé. Les larmes qu’elle retenait depuis ce matin se mirent à couler doucement. Elle aurait tant aimé le revoir une dernière fois, lui dire qu’elle regrettait d’être partie aussi loin et de l’avoir laissé derrière elle. Mais elle ne pouvait pas changer le passé, désormais elle devait vivre avec ce poids.

Mécaniquement ses pieds la menèrent vers le bureau de son père où l’absence de ce dernier se ressentait encore plus fort. Elle se revit, petite, assise sur ses genoux pendant qu’il essayait de lui expliquer comment obtenir un leporello. Son essai, même raté, était toujours exposé dans la bibliothèque paternelle. Elle avait toujours adoré cette bibliothèque comprenant des classiques de la littérature, des ouvrages plus rares comme ce tirage de tête de L’élégance du hérisson mais aussi les dernières nouveautés. En caressant le dos de tous ces livres, elle ne put s’empêcher d’énumérer les reliures : dos carré collé, Bradel… Soudain elle s’arrêta net, car son regard venait de tomber sur quelque chose qu’elle n’aurait pas pensé trouver ici. Et pourtant, en plein milieu d’une étagère trônait le seul ouvrage qu’elle n’ait jamais écrit. Émue, Adèle le prit dans ses mains et l’ouvrit. Là sur la première page, son père avait recopié une poésie et celle-ci se poursuivait sur la belle page. Ainsi il ne lui en voulait pas d’être partie si loin et de ne pas être revenue à temps. Elle referma le livre et esquissa un sourire en direction de son double qui l’observait depuis la quatrième de couverture.

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